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Mon camino - Page 2

  • S2.Jour 37. Les vieux.

    Saint Jean pied de Port- Biddaray 23 km. Cumul : 810km.

    Dans la chambrée, les coréens se sont levés hyper tôt, comme d’hab, et sans trop de discrétion. J’ai quitté StJeanP2P à 7h30. Malgré les indications et le plan reçus à la Maison du Pèlerin, j’ai bredouillé le départ et me suis retrouvé sur le GR10 (traversée des Pyrénées). J’étais un peu contrarié par ce faux départ quand mon ange gardien du jour est arrivé, surgi de la toute première partie de ce Camino. J’avais rencontré Thomas dès le 2e jour et nous avions partagé quelques belles conversations pendant deux étapes avant qu’il bifurque vers une autre Voie, fasse pause, reparte je ne sais où et… vienne ce matin me rassurer et me conforter. Encore une réapparition synchrone sur mon chemin ! Joyeuses retrouvailles. Ensemble, en croisant nos infos (applications diverses) nous avons bien entamé cette voie « basque » vers Irun (en 4 étapes pour moi). Thomas a 39 ans. Il est très engagé dans un mode de vie le plus indépendant possible. Avec le moins d’argent possible. Rien n’est facile, mais il a une énergie captivante. Il parle beaucoup, avec entrain et enthousiasme. Il dit qu’il y a toujours une solution. Surtout sur le Camino.

    Plus loin nous trouvons par terre un dossier papier avec toutes les indications sur cette Voie. Quelques minutes plus tard une petite pèlerine encapée (il pleut) arrive en sens inverse toute essoufflée. C’est elle qui a perdu ce précieux document. Elle est sauvée ! On repart tous les 3. Je sors Félix. Je sens que Jojo et Jaja commencent à être jaloux.

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  • S2. Jour 36. Le lièvre et l’étoile.

    Saint-Jean Pied de Port 0 km. Cumul : 787 km.

    La façade affiche « Le lièvre et la tortue ». Ayant souvent évoqué ces deux animaux de fable dans ce journalet, c’est là que j’aurais dû loger pour ces deux nuits à Saint Jean. Pour une fois le hasard ne fait pas bien les choses. J’avais réservé depuis longtemps, sans trop chercher, à « Le chemin vers l’étoile », un nom qui rappelle le « champ d’étoiles » (en latin : campus stellae, d’où : Compostelle) vers lequel affluent tous les chemins en Espagne.

    J’avais envisagé au départ de consacrer cette journée de transition à l’étape fameuse de Roncevaux, passage des Pyrénées, réputée la plus difficile du Camino. J’ai préféré préparer un peu plus les jours qui viennent et prendre du repos.

    Le problème des logements est rendu difficile par l’afflux de touristes et marcheurs en tous genres et les jours fériés du mois de mai.

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  • S2. Jour 35. Ensemble.

    Ostabat-Saint Jean Pied de Port 23 km. Cumul : 787 km.

    Il fallait que ça arrive. J’ai oublié Jojo et Jaja en partant du gîte. Cela m’était arrivé aussi l’an dernier en Espagne. Je m’en suis heureusement aperçu assez vite. Ouf ! Cela m’a coûté un petit kilomètre de plus.

    Plus tard, alors que je marchais très mollement en ce début de journée, je me suis rendu compte que j’avais oublié… ma gourde ! C’était un démarrage  décidément très vaseux  ! Trop tard pour revenir en arrière, objet sans valeur financière ni « affective ». Tant pis.

    J’arrive à une « pose café » (écrit ainsi sur une petite pancarte). Je m’avance vers les bancs en bois. Sur la table : une petite bouteille d’eau presque pleine. Merci le Chemin !

    Je bois un café réchauffé, je pille le petit sucrier. Ça va mieux. Je repars d’un bon pas.

    Plus loin je tague (ive) une pierre plate que je pose avec d’autres pierres sur une petite borne. J’envoie un message à Pierre (décidément !)  pour que Enzo la trouve quand ils passeront et qu’il la garde en souvenir… s’il le veut.

    Je ne m’arrête pas. J’ai pourtant dans le sac un sandwich fromage-jambon (de Bayonne). Je résiste. Je veux arriver tôt à Saint Jean.

    Je retrouve deux filles déjà croisées dans  plusieurs gîtes. Je leur confie mon état de fatigue matinal. Elles me proposent des pastilles de Dextrose. Ok. Je repars encore plus vaillant. 

    Je rejoins ainsi un gros groupe de tous ceux que je côtoie depuis plusieurs semaines, tout en étant toujours resté un peu en retrait, en marge. J’arrive avec eux à Saint Jean. Photos multiples et déconnantes devant la « porte des pèlerins ». Champ du pèlerin à tue-tête. Ultreia ! Ultreia ! On y est arrivé ! J’avoue que je suis content de fêter ça avec ce petit groupe très en verve. On fait ensuite la queue au Bureau des Pèlerins, pour faire tamponner la crédenciale et obtenir divers renseignements pour la suite.

    Comme prévu il y a beaucoup de monde dans la petite ville. On décide de réserver un restau pour le soir.

    On refait la queue pour le check-in au gîte. C’est une autre perception du Camino. Il faut en accepter ces quelques désagréments.

    Je me retrouve avec le groupe de joyeux drilles dans le même dortoir.

    Au restau, et après quelques bières, l’ambiance est très festive surtout autour d’Alain le quebecquois qui achève son chemin et repart demain.

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  • S2. Jour 34. C’est fou.

    Aroue-Ostabat 25 km. Cumul : 764 km.

    L’Euzkadi c’est pas le plat pays ! Toute la journée nous avons affronté des raidillons voire de longues montées et autant de descentes. Les rondeurs du Pays Basque sont superbes à contempler, mais dures à arpenter.

    J’ai gravi ces côtes en compagnie de Jean et Christophe, deux excellents marcheurs. Christophe m’a bluffé, je dois l’avouer. C’est assez rare que je lâche prise dans une montée. Il arrive vraiment à maintenir un rythme d’enfer, avec un physique pourtant pas formaté sportif. Une belle leçon, C’est aussi un fan de toutes les sortes de musique. On s’échange des noms de musiciens. Il ne connaissait pas Sofiane Pavart. Il a beaucoup aimé.

    Tous les trois, puis rejoints par d’autres pèlerins, nous avons pausé pour déjeuner après déjà 20 km parcourus à La Chapelle de Soyarza et son extraordinaire panorama.

    Demain j’arrive à Saint Jean Pied de Port. Nous sommes passés aussi aujourd’hui près de la stèle marquant le carrefour et la réunion de 3 des 4 voies françaises principales : Le Puy, Vezelay, Tours. La 4 e c’est bien sûr Arles, celle de mon Camino 1, et qui ne passe pas ici.

    Confluence et fin de ces 3 voies, mais aussi début du Chemin pour l’immense majorité des étrangers, je sais que St Jean est totalement submergé de pèlerins. Je ne serai pas surpris d’y trouver foule. A moi de savoir conserver mon calme intérieur qui normalement ne doit pas être ébranlé par si peu.

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  • S2. Jour 33. La communauté de l’orteil.

    Argagnon-Arouet 22km. Cumul : 739km.

    Pierre et Enzo sont derrière moi, à une ou deux étapes, depuis leur pause à Condom et leur détour par un petit festival de musique. Je n’ai pas de nouvelles précises mais je sais qu’ils avancent puisque je reçois depuis 3 jours des photos de mon « tag ive » qu’ils découvrent à l’arrière d’un panneau ou sur des livres d’or. Je trouve ce jeu de pistes assez sympa. Je suis un Petit Poucet qui laisse des « peace and love » sur son chemin que retrouvent ainsi ceux qui passent après moi. Cela me donne envie de continuer de semer ce signe…

    Aujourd’hui j’ai retrouvé Mariana l’ukrainienne que j’avais quittée avant Cahors. Elle était partie devant. J’avais pris derrière elle une autre direction pour rejoindre mon gîte. C’était un peu comme un malentendu. Notre retrouvaille est encore l’effet d’un hasard fou. Elle était arrêtée à une informelle « pause pèlerin » (table chaises abri en bois). Elle allait repartir quand elle a entendu un groupe qu’elle ne connaissait pas s’inquiéter d’un Yves. « Yves? D’Aix en Provence ? » (parfois je dis « de Marseille ») Oui, oui. Alors elle m’a attendu. Sinon je ne l’aurais jamais revue. Elle était très contente. Moi aussi. En fait elle avait fait une pause aussi. Son mari est venu la rejoindre quelques jours. Elle a une tente maintenant. Elle essaie de dormir près des gîtes.

    Au fait, pourquoi s’inquiétait-on de moi ?  Ce matin une petite vague s’est formée sur le chemin, sans préméditation, comme ça se fait. Il y avait avec moi Claudine et Jean-Michel, Paul, Christophe, Christian, Justine, et un couple que je ne connais pas. J’ai pris les devants en rythme lièvre, trois m’ont suivi à courte distance. Pris par mon élan de marche rapide je n’ai pas vu une balise-croix et me suis trompé de chemin. Les trois m’ont suivi. Je me suis aperçu de mon erreur (merci Visorando) et rebroussé chemin. Voilà pourquoi les derniers sont devenus premiers (merci Jésus) et se demandaient pourquoi nous n’étions pas à la pause avant eux.

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  • S2. Jour 32. Au chemin des merveilles.

    Argagnon - Navarrenx 25,5 km. Cumul : 717 km.

    On repart chaque matin, sans trop regarder au-delà de l’étape du jour, et puis on réalise qu’on marche depuis un mois, et qu’on a parcouru plus de 700 km… Je suis à trois jours de Saint Jean Pied de Port, qui pour beaucoup de pèlerins est une fin, et pour beaucoup d’autres un début. Ce sera pour moi un passage mais tout de même aussi un premier aboutissement : la fin de la Voie du Puy.

    Ce matin j’ai encore béni le jour où j’ai eu la bonne idée d’acheter ce petit parapluie qui m’abrite depuis deux jours d’une pluie persistante. C’était dans un magasin de rando de Sydney (c’est chic non ?), dans ce pays aux antipodes de Compostelle, à une époque où je n’y songeais pas, et sans vraiment en avoir utilité. Il était écrit que cet accessoire (marque Katmandu, non distribuée en France) deviendrait un indispensable partenaire de mes Caminos. A tél point que comme mes bâtons Jojo et Jaja, j’ai décidé de le prénommer. Je vous présente donc Félix, mon fidèle compagnon des jours de pluie !

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  • S2. Jour 31.Alternatif.

    Uzan-Argagnon 22,5. Cumul : 691,5 km.

    Et dire que j’ai hésité à reprendre mon petit parapluie, pourtant validé après le premier Camino ! J’ai marché toute la journée sous une pluie disons force 6 (sur une échelle qui irait de 1 à 10, de bruine-crachin à trombes-déluge). Et sous l’abri de ce petit parapluie (en plus de la veste Goretex et du protège-sac bien sûr) j’ai pu passer une journée plutôt sereine, sans avoir l’impression de « subir » la pluie.

    Ce matin à 8h30 Ben m’a déposé là où il m’avait retrouvé hier. Le fil du chemin n’est pas cassé. Il a fallu se faire un peu violence pour s’arracher au confort. Ben est reparti retrouver sa petite famille dans sa belle maison écologique en bois. Moi j’ai repris ma longue marche.

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  • S2. Jour 30. Nos valeurs.

    Pimbo-Uzan 24km. Cumul : 669km.

    Il est 15h30. Je viens d’arriver à Uzan et j’attends mon ami Ben qui va m’accueillir chez lui ce soir. L’an passé il m’avait déjà hébergé. La Voie d’Arles passe à Pau où il habite. La Voie  du Puy passe un peu plus au nord du département des Pyrénées Atlantique. Il doit donc venir me chercher en voiture.

    C’est vraiment sympa. Ben est un ancien collègue prof d’anglais exilé dans le Béarn près de sa belle-famille. C’est aussi un pote du foot et ce soir je suis à peu près sûr que nous allons regarder Bayern-Réal en demie finale de la Champions ligue.

    Ben est hyper prévenant et bienveillant avec moi. Il me gâte. C’est tout de même incroyable de pouvoir faire étape chez lui un an après alors que je suis sur un autre Camino ! Génial de pouvoir être à ce rendez-vous fixé il y a longtemps. Ben est un lecteur fidèle de ce blog et il me dit : « Ça me fait drôle. J’ai l’impression de rentrer dans un feuilleton. » Ben oui, mon Ben, tu es un personnage du Camino ! Et surtout un super pote…

    Je me rends compte à quel point cette année j’ai besoin de réconfort. Peut-être même de confort tout simplement. Est-ce dire que je n’ai plus le goût de l’aventure, qui est le contraire du confort ? J’aviserai après ce second Camino. Si tout va bien : dans un mois.

    Pour l’instant il faut continuer. J’ai passé presque toute l’étape avec Christian, un niçois avec lequel j’avais eu hier soir au gîte pendant le repas un échange un peu électrique. Mister P. n’est pas toujours assez décontracté en ce moment. Tous les kilomètres passés ensemble aujourd’hui nous ont rapprochés. Il a sa part de drame dans sa vie, ce qui le pousse en partie vers Compostelle. Mister P. s’est excusé et s’est un peu confié sur son labyrinthe intérieur.

    On s’est fait du bien mutuellement.

    C’est naturel sur le Chemin. On remarchera ensemble probablement.

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  • S2. jour 29. Les souliers de Van Gogh.

    Aire-sur-L’Adour -Pimbo 25,5 km. Cumul : 645 km.

    Ça devait arriver un jour ou l’autre.

    Ce matin je n’ai donc pas réussi à rendre ma copie achevée à temps (voir jour 28). Je me suis toujours donné 10h (matin) comme dernière limite. Moi le prof je me sens comme un élève pris en défaut, n’ayant pas su gérer le temps de l’épreuve. Où ai-je fauté ? Hier aprem après la douche je suis retourné boire un coup près du pont sur l’Adour avec Claire et Rémi, de Nouvelle Calédonie, qui terminent ici leur partie de Chemin. A 19h repas collectif au gîte. De retour sir le lit de ma chambrette solo je pique du nez sur le tél en essayant d’écrire. J’ai fait près de 30 km il est vrai. Et j’ai bu deux verres de vin rouge au repas.

    J’oublie de mettre l’alarme pour me réveiller  plus tôt et rédiger la chronique avant de me lever. 7h30 Petit dej. 8h je commence à écrire. Mais j’ai 26 km à faire. Trop pressé. Mauvais boulot. J’arrête d’écrire  et décolle du gîte. Désolé.

    Il faut savoir que cet exercice quotidien nécessite tout de même, sachez-le chers lecteurs-trices, entre 1 et 2h pour rédiger puis mettre en forme sur le blog.

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  • S2. Jour 28. Chaussure à son pied.

    Nogaro-Aire sur l’Adour 29km. Cumul : 619,5

     

    C’est après un plat de « pâtes au kiri » peu convaincant (je suis décidément un cuistot catastrophique) que je fais connaissance, dans la cuisine du gîte, de deux jeunes gens, deux copains. Le courant passe très vite d’autant plus que l’un des deux habite à Marseille, une ville dont on peut parler des heures…

    Nous partageons la même chambre et ils m’invitent à partir très tôt avec eux.

    Voilà pourquoi ce matin je me suis levé à 5 heures. La compagnie de ces brillants jeunes hommes et une très riche conversation a donné une qualité singulière à cette étape qui en aurait manqué par ailleurs. Car son long final sur bitume après des passages pas toujours évidents sur des ornières boueuses dans sa première partie a rendu un peu pénible la marche proprement dite.

    Je profite donc aujourd’hui d’une étape sans fait marquant  pour aborder un sujet « technique » plusieurs fois annoncé et repoussé : le choix des chaussures.

     

     

    Ceux qui ont suivi le premier Camino savent que je l’ai effectué intégralement avec des « sandales ». Certes plusieurs modèles et plusieurs types (4 en tout pour 75 jours) mais sans autre sorte de chaussures.

    C’est une douleur au talon persistance avant même mon départ et divers essais qui m’avaient convaincu de ce choix qui sur le chemin surprenait pas mal de monde. Assez vite (à l’hôpital de Castres) on m’avait diagnostiqué une aponévrose et malgré la logique de devoir amortir les chocs j’ai choisi la solution sandales qui, au ressenti, me convenait mieux.

    J’ai géré durant tout ce premier Camino cette douleur persistante et j’en suis revenu convaincu par la marche en sandales.

    J’ai choisi de retenter cette année de partir avec le modèle acheté pour l’an dernier : Hoka Anacapa.

    Mais avec une différence : j’ai accepté de mettre mes semelles orthopédiques. Est-ce cela qui fait toute la différence ? La douleur est parfois encore présente mais rien à voir avec l’an dernier.

    (Desolé… pris par le temps aujourd’hui… pas le temps de finir cette chronique « technique » ce matin… je termine plus tard en route pour Pimbo, j’ai 26 km à faire et il est déjà 8h30…). A ce soir …

    ;-)

     

  • S2. Jour 27. Le labyrinthe.

    Eauze-Nogaro 21km. Cumul : 590,5 km.

    Quelques centaines de mètres seulement après avoir quitté le gîte de Jean-Pierre, le chemin me conduit devant une plaque de rue totalement inédite depuis que j’arpente les chemins vers Saint-Jacques. Le panneau devant moi indique : « Impasse de Compostelle ».

    Que dois-je conclure de ce nouveau signe ? Que mes Caminos  peuvent être des impasses ? Que je n’y trouve rien « à la fin » ? Que j’en revienne sans rien avoir appris ? Il faut en accepter l’hypothèse.

    Pourtant ce matin je me sentais justement sorti de l’impasse, notamment celle des questions sur l’écriture de ces chroniques quotidiennes et sa fonction. Oui, j’y prends toujours du plaisir, oui elle m’est toujours  nécessaire, oui elle accompagne naturellement ma marche et forme avec elle un binôme indissociable.

    En fait l’impasse où je me suis trouvé il y a deux jours (voir jour 25) était plutôt une impasse émotionnelle en grande partie due à la fragilisation de Mister P.

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  • S2. Jour 26. «J’aime les cadavres »

    Larresingle-Eauze 29,5 km. Cumul : 569,5 km.

    Un randonneur ordinaire s’étonnerait de tous ces bâtons de marche posés contre un pilier sans portail.

    Un caminard comprend tout de suite : le gîte (dont c’est l’entrée) a regroupé là les bâtons perdus, oubliés, donnés, abandonnés… Ils sont offerts au pèlerin qui passe, s’il en a besoin, moyennant une participation en « donativo »(donation). Il y a un petit bocal posé par terre pour recueillir l’obole.

    Jojo et Jaja, mes fidèles bâtons-compagnons, ont été émus par ces camarades en quête de nouveaux propriétaires. Pour un peu ils m’auraient presque obligé à adopter un ou deux de ces orphelins. Désolé, mais c’est non.

    Je commence cette chronique par cette anecdote typiquement « caminesque » pour retrouver un peu de légèreté après les questions pesantes d’hier.

    Restons légers aussi et choisissons d’en rire pour évoquer le gîte où je suis arrivé après une longue et éprouvante (sur la fin) étape.

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  • S2. Jour 25. Écrire or not écrire ?

    La Romieu-Larresingle 21km.Cumul : 540km.

    Je touche peut-être les limites de l’exercice et du projet. Je ne sais pas si je vais continuer à pouvoir écrire. Je suis dans un état que je n’aurais jamais pu imaginer il y a encore seulement quelques jours.

    Je repense à mes extases de joie pure sur l’Aubrac. Que s’est-il passé ? Comment est-ce possible alors que mon corps supporte très bien l’addition des jours de marche ? Alors que mes talons douloureux qui m’ont taraudé pendant le premier camino sont redevenus presque indolores ? Que se passe-t-il pour que, pour la première fois en 100 jours (si je cumule les deux Caminos) je songe à ne pas écrire cette chronique ?

    Que se passe-t-il pour que je l’écrive finalement au milieu de la nuit (et que je l’antidate pour qu’elle soit d’hier soir) ? Pourquoi suis-je si mal alors que j’étais si bien ? Pourquoi là, dans le grand lit confortable d’une chambre presque luxueuse d’une auberge aux portes de la petite cité fortifiée de Larressingle ?

    Bref, pourquoi tout craque alors que je vivais pleinement ce second camino ?

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  • S2. Jour 24. Logeur d’honneur.

    Castet-Arrouy - La Romieu 31 km. Cumul : 519km.

    Le logeur du gîte « Le temps de l’escargot » s’appelle donc Jean-Patrick, un prénom un peu improbable tout droit sorti des années 60. Tignasse, petit bouc, lunettes, lui donnent des airs d’un professeur de comédie ou de gentil savant, mais version littéraire car sur une table traîne un Gaffiot (dico de référence français-latin) et le mot de passe wifi bizarre est, m’explique-t-il, la traduction de « escargot » en… persan ! Jean-Patrick m’apprend ainsi qu’il a fait « Langues orientales », a appris le persan et l’indonésien, a fait divers métiers (dont je ne saurai rien sauf qu’il n’a jamais été… prof!) puis a repris ce gîte depuis quelques mois, tout en voulant se remettre au latin et au grec. Il nous reçoit en chaussons, sans façons, dans sa petite maison dans la ruelle principale à l’entrée de Castet-Arrouy.

    Des hospitalier(e)s, gérant(e)s de gîtes, accueillants et sympas, attentifs et généreux, j’en ai déjà rencontré plein (voir jours précédents) mais ce Jean-Patrick est le plus original, d’une vraie et toute simple bonhommie, comme un grand doudou.

     

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  • S2. Jour 23. Imagine

    Auvillar-Castet Aurrouy 24 km. Cumul : 488 km.

    Les limites des départements ne relèvent que d’un découpage administratif. Pourtant c’est aussi la merveilleuse variété du territoire de France qui se révèle étonnamment dans le passage d’un département à un autre. Haute-Loire, Lozère, Aveyron, Lot, Tarn-et-Garonne, m’ont déjà offert la singularité de leurs paysages, de leurs sols, de leurs terroirs, de leurs architectures. Chaque fois on peut clairement identifier le département.  Aujourd’hui je retrouve le Gers que j’ai traversé dans sa partie sud (Auch) l’an dernier. Je retrouve ces champs immenses sur des grandes parcelles « bossues », cet espace, ce vaste ciel, qui m’avaient charmé sur la Voie d’Arles. C’est très différent de ce qui a précédé. Est-ce pour cela que j’ai retrouvé la forme aujourd’hui ? Ou n’est-ce qu’un exemple de plus de l’effet « yoyo » de ce Chemin (en tout cas pour moi) dont on ne maîtrise jamais toutes les composantes ?

    J’ai donc retrouvé mes jambes à défaut de rassurer Mister P. A ce propos, Dominique, qui m’avait joliment reçu dans son gîte en Gers-sud, me suggère d’en parler moins, pour éviter de lui attribuer trop d’importance. Je comprends ce conseil. Mais comment évoquer cette partie de mon vécu actuel sans trop de gravité ni trop de légèreté? Comment dire sans insister mais sans pouvoir négliger ?

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  • S2. Jour 22. La confluence.

    Moissac-Auvillar 22,5 km. Cumul : 464 km,

    Je me suis traîné toute la journée. Incapable de prendre un bon rythme. Vidé. Il faut dire que j’ai choisi la variante « collines » au lieu de suivre platement toute la journée le canal qui longe le Tarn puis la Garonne quand celle-ci a avalé celui-là. Mais voir d’en haut cette confluence se mérite. Quelques sévères raidillons ont bien sollicité mollets et tendons d’Achille.

    Malgré ses efforts Mister P. continue d’être confronté à de désagréables sensations, dans le corps et dans la tête. Mauvais passage. Je vis paradoxalement plus difficilement que l’an dernier la durée du Camino et l’éloignement des miens. Probablement à cause de cet état de plus grande fragilité.

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  • S2. Jour 21. No day’s perfect.

    Lauzerte-Moissac 28,5 km. Cumul : 441,5 km.

    Au km 3 j’ai failli passer à côté de la Chapelle Saint Sernin. Encore un lieu où s’apaise l’esprit. Quatre chaises en désordre. Un christ en bois, crucifix sans croix, admirable. Une seule bougie sur l’autel devant une statue de Marie. Un seul pot avec une plante vivace. Trois petites ouvertures où passe la lumière pure toute blanche du matin dont un rayon vient tomber sur les pieds du Christ. Recueillement spontané dans cet espace plein de vide. Je partage ce moment  avec trois Lillois que je rencontre dans ce lieu magique. Dehors nous  exprimons  tous la même émotion.

    Je continue la marche avec eux.

    Au km6, un chevreuil hésite puis traverse la petite route cent mètres devant nous avant de s’élancer en bonds successifs le long d’un champ labouré. On se croirait dans un Walt Disney. En mieux bien sûr. Autre instant magique. Autre émotion.

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  • S2. Jour 20. Le pouvoir des fleurs.

    Lascabanes-Lauzerte 25,5 km. Cumul : 413km.

    J’ai proposé un défi à Enzo aujourd’hui. S’il ne dit pas une seule fois « casse (ou bats) les couilles «  dans la journée, je lui paye une glace à l’arrivée à Lauzerte. il a craqué au bout de deux heures, a réclamé une deuxième chance. On l’a jouée à Chifoumi. Il a gagné et s’est tenu jusqu’à la fin de l’étape.

    Le petit apprenti caïd a eu droit à sa glace, comme un enfant…

    A part ça… magnifique journée où les fleurs ont envahi le paysage, ont envahi les sentiers. A la sortie de Montcuq (j’y peux rien, c’est comme ça), marchant parmi ces champs de fleurs, je serais presque tombé à genoux de reconnaissance tellement c’était beau. Encore un de ces moments de béatitude devant le spectacle de la nature. Darwin lui-même ne s’est jamais remis de ce qu’il appelait « l’abominable mystère des fleurs », s’extasiant devant leur insolente conquête du monde végétal puisqu’elles représentent 90% des espèces de plantes.

     

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  • S2. Jour 19. Enzo.

    Cahors-Lascabanes 24,5 km. Cumul  : 387,5 km.

    Pas facile de s’arracher aux attentions de l’amitié, aux bras de l’amour. Pas facile de tourner le dos au confort et de reprendre la route.

    N’exagérons pas non plus. Tout cela est choisi, volontaire, programmé. Nul exil, nul exode, nul départ contraint, nulle marche forcée. Alors pas de plainte mais plutôt la joie de ce nouveau départ. Je traverse le pont médiéval, je retrouve les balises rouge et blanche, je reprends le fil de ce Camino, j’attaque la première montée. C’est reparti !

    Sur le plateau, à la Croix Magne, après 1km seulement, je retrouve Pierre, l’éducateur rennais, et Enzo, l’ado délinquant qu’il accompagne pour un « séjour de rupture », une « marche éducative » de trois mois.  Je les avais rencontrés à l’étape 3 (voir Jour 3) et voilà que leur rythme volontairement lent , leurs jours de pause et les miens, nous remettent dans le même tempo.

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  • S2. Jour 18. Homo sapiens ?

    Cahors. 0km. Cumul : 363 km. 

    Lascaux, Roufignac, Cougnac, Chauvet, Cosquer… A la liste des plus fameuses « grottes  ornées » que je connais (version réelle ou fac-similé) il manquait celle du Pech Merle. Je ne pouvais manquer de la visiter dans ces jours de repos sur mon Camino à proximité de cet autre site exceptionnel. Et cela d’autant plus après ma récente lecture de la formidable BD d’Etienne Davodeau : « Le droit du sol ». Il y raconte sa traversée de la France à pied partant de Pech Merle, témoignage de l’art pariétal, jusqu’au site de Bure où l’on prépare un grand site d’enfouissement des déchets nucléaires. Voyage à pied d’une époque de l’humanité à une autre, et occasion de diverses réflexions sur l’évolution et sur les traces que nous laissons à nos descendants…

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