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  • Les jours d'après. 4. Les copains enfin.

    Je n'avais initialement rien prévu pour mon retour. Je pensais utiliser bus et trains ou covoiturage. Mais je ne pouvais pas refuser de revenir en même temps que l'aimante qui avait, en plus, organisé une fête le dimanche. J'étais depuis 75 jours plutôt fier de mon bilan carbone (malgré quelques flatulences nécessaires). Un vol en avion low-cost, sur une telle distance, et un appareil même pas rempli, ternissait bien sûr cette performance. Mais je devais l'accepter. Et puis faire en deux heures ce que j'avais fait en deux mois et demi permettait de prendre conscience encore plus de tout ce qui sépare ces deux relations au monde, à l'espace, à la terre, au temps. Il faut savoir faire leçon de ce qui nous navre.

    En revanche il y avait un problème majeur auquel je n'avais pas pensé : Jojo et Jaja ne pouvaient pas venir en cabine avec nous qui n'avions pas de bagage en soute ! Allais-je les abandonner là, à Santiago, comme je l'avais fait de mes premières sandales ? Vous vous doutez bien que non... A la Poste du quartier ils sont gentiment partis dans un carton adéquat pour colis direction Aix-en-Provence. Ouf, sauvés ! 

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  • Les jours d’après.3. Les pieds sacrés.

    Je ne suis pas tout de suite entré, dès le premier jour d’après, dans la Cathédrale. Je la découvre avec un peu de réticence, par peur d’y retrouver la luxuriance dorée qui m’a irrité dans ces temples du marketing religieux médiéval, notamment à Burgos (voir Jour 53).

    En fait celle-ci est globalement, dans sa structure romane d’ensemble, moins tape à l’œil, moins outrancièrement baroque, mais quand je découvre le chœur, patatras, revoilà un sommet du kitsch au-dessus de l’autel, gros bébés dorés, mise en scène d’une démesure qui serait risible si on oubliait le rôle que cela a pu jouer dans l’asservissement des peuples.

    Hélas donc, je ne retrouve pas à l’intérieur la séduction  des volumes  extérieurs, et notamment du sublime décor que constitue l’Obradoiro, la façade devant laquelle chaque pèlerin vient se photographier pour signer sa fin de parcours sur cette fameuse esplanade.

     

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  • Les jours d’après. 2. Entre deux.

    L’hôtelier a été intraitable : le logement est pour une seule personne. Impossible donc de squatter dans la chambre de l’aimante. Me voilà renvoyé pour trois nuits dans les auberges à peregrinos et leurs lits superposés. Prenons cela comme un sas de décompression.

    Décidément, Santiago est une ville fort agréable. Le tour en est vite fait mais ses rues médiévales avec passages voûtés, ses petits restaus  à cuisine locale, un joli parc et l’omniprésence de monuments remarquables, la rendent idéale pour un court séjour. Ça tombe bien, j’y reste trois jours.

    Mon aimée qui a eu le temps de découvrir la ville les jours précédents me fait visiter cette cité médiévale riche de son passé religieux et de son présent touristique. Pas facile pour le marcheur au long cours de se muer en visiteur, de rentrer dans ces boutiques de « souvenirs » où on décline à profusion les motifs de la coquille et de la flèche jaune… La transition est malgré tout un peu brutale. J’achète néanmoins moi aussi un tee-shirt que je juge plus original, et quelques dernières babioles pour famille et amis.

    Et chaque jour je repasse naturellement sur le parvis de la Cathédrale.

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  • Les jours d’après.1. Au pas de course.

    Le tropisme du pèlerin vers l’esplanade de la cathédrale n’est pas un mythe. On y revient chaque fois, chaque jour que l’on passe à Santiago. D’abord parce que toutes les rues de la vieille cité mènent à ce point névralgique. Aussi parce que le pèlerin veut continuer à vivre cette expérience à la fois individuelle et collective. Ne pas en finir tout en finissant, voilà son dernier défi.

    En y retournant le lendemain de mon arrivée, je n’ai pas regretté la pluie de la veille qui m’avait offert une place déserte. Au soleil les arrivants en tous genres prenaient leur aise et s’étalaient volontiers en petits troupeaux. Surtout les vélos, un peu encombrants et énervants pour être sincère.

    J’ai moi même occupé l’espace comme un manifestant pacifique en m’asseyant sur les dalles de l’esplanade et en enlevant mes sandales. Un vrai hippy en chaussettes avec ma barbe de 75 jours qui me donne aussi des airs de druide celte, raccord avec le joueur de cornemuse qu’on entendait malgré le brouhaha et les hourras divers de tous ces pèlerins célébrant leur arrivée.

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  • Jour 75. Vixi !

    Lavacolla - Santiago 11 km. Cumul : 1629 km. Reste : 0 km.

    Je suis parti à 5h15, encore plus tôt que prévu. Je savais qu’il allait pleuvoir. J’avais rendez-vous avec l’aimée à 8h au « Bar du Camino » (évidemment) non loin de la Cathédrale. Il me restait 11km à faire.

    J’ai marché tranquillement sous une pluie gentille à la lumière de ma frontale et de quelques réverbères, seul dans la nuit galicienne. L’obscurité n’avait rien d’inquiétant. Je n’ai pas rêvé quand j’ai vu furtivement un papillon blanc dans le faisceau de ma frontale. Il a eu juste le temps de me dire : « Tu vois je suis là mais tu n’as plus besoin de moi. Je peux m’en aller».

    Je m’approchais de la ville et au passage j’ai encore ajouté quelques petites pierres sur les bornes du Chemin ou au pied d’un simple bout de bois décoré de dévotions diverses sur un mur devant La Chapelle San Marcos.

    J’avais toujours du mal à croire que ces kilomètres étaient les derniers. Ils étaient particuliers pour cela mais tous les autres avaient autant de valeur depuis mon premier pas devant la porte de ma maison.

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  • Jour 74. Une petite douzaine pour la route.

    Calle - Lavacolla 22km. Cumul : 1618 km. Reste : 11 km.

    1)Hier soir j’ai rencontré mon peut-être dernier pèlerin. Celui-là m’a été envoyé par le joueur de dés buveur de bières ( des pèlerins qui avaient lu Mon Camino ont cherché le décapsuleur à la Cruz Ferro : il n’y est plus) pour m’éviter le péché d’orgueil. Gilles est parti de Morlaix (Bretagne) et dans la même durée que moi il a fait presque 1800km en passant par le Norte et le Primitivo. Aujourd’hui il rallie Santiago. Chapeau (breton) !

    2)Ce matin une jeune fille m’a enfin dit : « It’s nice, your music ». J’écoutais encore une fois  Erik Satie.

    3)Cette nuit j’ai décidé d’appeler mes pieds Lolo et Lulu pour les remercier de m’avoir supporté jusque là. J’espère que Jojo et Jaja ne seront pas jaloux.

    4)A  -22 km une plaque en bronze rend hommage à Guillermo Watt mort la veille de son arrivée à Santiago, à 69 ans, en 1993. Rappel.

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  • Jour 73. Respire.

    Melide - Calle 23 km. Cumul : 1596 km. Reste : 31 km.

    « Santiago 33km ». Je préfère ce bois découpé patiné par la pluie et le soleil que toutes ces bornes en pierre (plusieurs par km) identiques qui donnent depuis Sarria la distance restante au mètre près…

    Étrangement maintenant ce sont ces petites distances qui me semblent irréelles. A peine la distance Aix-Marseille ! Vraiment ? Comment est-ce possible ? Santiago c’était loin, toujours loin. Il est difficile de croire que ce soit là, à côté, si proche.  Il fut un temps où ce but était rejeté dans son lointain comme un rêve toujours repoussé. Savoir que je vais toucher maintenant ce but m’interpelle : comment vais-je réagir à ce désir comblé, à cet accomplissement ?

     

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  • Jour 72. Les mondes.

    Airexe - Melide 23 km. Cumul : 1573 km. Reste : 53 km.

    Je n’aurais vraiment pas cru, il y a à peine quelques jours, pouvoir refaire une étape de plus de 20km.

    Mais j’avance et mon corps semble décidé à terminer le Camino sans bobo, en toute sérénité. C’est un peu dingue, ça encore. La conséquence c’est que je dois me méfier de l’euphorie qui me gagne et continuer ma marche lente et souple. Pas de précipitation ! Mon premier café ce matin je l’ai bu « A paso de formiga », comme une invitation à prendre comme modèle aussi… la fourmi. Décidément mon bestiaire est bien fourni.

    Comme mes douleurs ont disparu j’ai repris encore ma planification et j’ai beaucoup de mal à réaliser que, sauf incident ou nouveau bobo de dernière minute, je n’ai plus que trois étapes à mon programme, et environ 50 km.

    Je revois très bien cette première indication longue distance sur un panneau mal foutu, après Arles, annonçant Santiago à 1463 km (voir Jour 7). Ça paraissait un peu irréel, une sorte d’humour, et maintenant j’y suis…

     

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  • Jour 71. La java de Jojo et Jaja.

    Portomarin - Airexe 19km. Cumul : 1550. Reste : 73 km.

    Pour quitter Portomarin le Camino repasse sur le rio Miño. Un canard minimaliste s’y baignait déjà. Comme prévu j’ai repris mon pas de bouddha et les kilomètres sont passés en douceur.

    Cet après-midi, sous un soleil pesant, un serpent a traversé le chemin juste devant moi, ondulant comme seuls ces bestioles savent.

    Je lui ai laissé la priorité (il venait pourtant de gauche).

    Décidément je préfère quand c’est un escargot qui me coupe la route.

    Du coup j’ai regardé un peu plus où je mettais les pieds sandalés et les bâtons, même si eux ils n’ont peur de rien.

    Ah, Jaja et Jojo (1), fidèles compagnons, avec lesquels j’ai pris ces dernières semaines de nouvelles habitudes.

     

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  • Jour 70. Le pas de bouddha.

    Sarria - Portomarin 23 km. Cumul : 1531 km. Reste : 92 km.

    Je croyais connaître la lenteur. Je ne savais rien, là non plus. Mais aujourd’hui j’ai fait à tout petits pas des progrès de géant. Ça je peux l’affirmer.

    Cette fois j’ai commencé ma marche très lente dès le début. Je n’ai pas attendu que la douleur m’y oblige.

    Au bout d’à peine un kilomètre, je rattrape une femme qui va encore moins vite. C’est pas possible ! Elle doit marcher à 2 à l’heure, et ce n’est pas qu’une expression. Je la dépasse à 2,5 km/h. Je me retourne, je l’interroge. Josée est québécoise et souffre … du talon ! Après trois jours d’arrêt, elle repart, comme elle peut. Elle a le sourire. Elle a le moral. Elle a un bâton de pèlerin. On fait un selfie. Quand je la quitte elle me dit ; »J’ai vraiment l’impression d’être un escargot «. Bienvenue au club ! Cela dit, moi, aujourd’hui, j’ai plutôt fait la tortue.

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  • Jour 69. Que la joie demeure.

    Samos - Sarria 16km. Cumul : 1508 km.

    J’ai retrouvé le gastéropode  galicien ce matin. Évidemment il est très sympa en fait. On a fait un brin de causette, entre cheminards. J’en ai profité pour lui raconter mon rêve d’escargot (voir Jour 34). Ça l’a fait rire. Après, je l’ai laissé partir devant.

    De toute façon je préférais être seul parce que j’avais  un événement à préparer : le passage de mon kilomètre 1500 ! J’en ai profité pour savourer plus que jamais chaque pas avant cette frontière symbolique. A ce moment là, la douleur était très supportable. Et le Chemin traversait une campagne à vaches, vallonnée, empruntait des petites routes paisibles ou des sentiers de terre boueux et bouseux. Dans cette Galice profonde j’ai eu envie d’écouter Bach à nouveau, et un morceau en particulier, la cantate « Jésus que ma joie demeure ». Très vite j’ai senti l’émotion me gagner et ça n’a pas raté. Mister P. (1) a ouvert les vannes lacrymales. En grand.

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