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S2. Jour 26. «J’aime les cadavres »

Larresingle-Eauze 29,5 km. Cumul : 569,5 km.

Un randonneur ordinaire s’étonnerait de tous ces bâtons de marche posés contre un pilier sans portail.

Un caminard comprend tout de suite : le gîte (dont c’est l’entrée) a regroupé là les bâtons perdus, oubliés, donnés, abandonnés… Ils sont offerts au pèlerin qui passe, s’il en a besoin, moyennant une participation en « donativo »(donation). Il y a un petit bocal posé par terre pour recueillir l’obole.

Jojo et Jaja, mes fidèles bâtons-compagnons, ont été émus par ces camarades en quête de nouveaux propriétaires. Pour un peu ils m’auraient presque obligé à adopter un ou deux de ces orphelins. Désolé, mais c’est non.

Je commence cette chronique par cette anecdote typiquement « caminesque » pour retrouver un peu de légèreté après les questions pesantes d’hier.

Restons légers aussi et choisissons d’en rire pour évoquer le gîte où je suis arrivé après une longue et éprouvante (sur la fin) étape.

Il se présente d’abord comme une vieille maison pleine de charme avec treilles de glycine et jardin joyeusement bordélique (c’est à dire pas entretenu). Mais quand on entre, houps ! Murs crasseux ou pas finis, fils qui sortent des prises, portes dégueulasses, accumulation de tout. Envie de fuir mais je suis crevé. Le maître de maison, Jean-Jacques ( non tous les logeurs ne se nomment pas Jean quelque chose) est coiffé comme d’Artagnan (qui est du coin) mais un mousquetaire pas très regardant question cracraquitude : « Tu veux  que je change les draps ? « . Ben… oui.

Il se présente comme biologiste et annonce (nous sommes deux pèlerins) : »Au repas on mangera les plantes sauvages du jardin ». On est chez un écolo version très bio mais très sale. Les toilettes sont sèches évidemment, avec les cendres de la cuisinière à bois de la cuisine qui chauffe aussi les radiateurs de la chambre à l’étage. Il nous explique fièrement ce système conçu par ses parents avant-gardistes.

La salle de bain ? Deux douches dans la même cabine. Vestiaire ? Club échangiste ? Nouveau concept pour un gîte !

Je visite quelques autres chambres : tout est vieux et sale, sans aucun souci d’un minimum d’ordre et de décoration. Portes de placard ouvertes, draps en boule sur des lits qui datent de nos  arrière grand-parents.

Mais arrive le moment du repas.

On se retrouve dans son « salon ». Fauteuils ultra usagés, piles de courrier, etc…. Sur un piano (droit) des cranes d’animaux. Je l’interroge. Il dit : »Ah oui, ça c’est parce que j’aime les cadavres « . Il ajoute « ça par exemple c’est la tête de mon chat ».

On mange. Sa salade avec fleurs du jardin est excellente. Sa poule, du jardin elle-aussi (« qui a été heureuse sauf quand elle a rencontré la fouine ») est délicieuse. Son vin archi bio sans ceci et sans cela est un nectar.

Il nous raconte brillamment l’histoire de la Gascogne.

Le long du mur passe une souris. Je le lui dis : »Elles sont tellement mignonnes…et puis… j’ai plus de chat ». Évidemment puisque sa tête est sur le piano !

Et voilà comment le gîte le plus crade de la Voie du Puy deviendra peut-être pour moi , grâce au phénoménal Jean-Jacques,  le plus mémorable.
Sur le Chemin, à la fin, ce que l’on retient, c’est toujours l’humain.

……………….

Un pas de plus

C’est un pas de moins

Dit le graffiti

Commentaires

  • J'espère que le lit était confortable et que tu as pu te reposer malgré les souris et les fantômes de chat.....ce chemin est vraiment plein de surprises. Depuis 3 jours le merle de mon jardin s'est remis à chanter et me réveille tous les matins avec sa mélodie. Vive la nature !

  • Finalement, même si le gîte n'était pas fameux, la table avait l'air digne des Gascons. Les mousquetaires auraient certainement apprécié...
    Décidément, ce chemin révèle des richesses insoupçonnées!
    Au fait, "mefisa-te" , il paraît que dans Gargantua, six pèlerins ont été mangés en salade! (bâtons abandonnés...??).
    Potons occitans

  • Ça fait du bien de voir que ça va mieux !!!! Je t’imagine dans cet univers !!!!

  • Yves , après ces derniers jours de récits plus ou moins tourmentés mais si agréables à découvrir chaque jour , tu m’a fais rire

  • Suite du message précédent : Et je t’imagine désormais avec un grand sourire après ces aventures épiques. Bravo Yves je t’embrasse fort

  • Sacré personnage ce Jean-Jacques : un cradobio adepte de l’usage exclusif du cerveau droit ?
    En tout cas il n’est pas transparent, c’est le moins qu’on puisse dire !
    A l’image de son environnement

  • Suite du message :
    Une rencontre (non hasardeuse) qui va te booster !
    Bon Camino vieux Frère

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