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S2.Jour 37. Les vieux.

Saint Jean pied de Port- Biddaray 23 km. Cumul : 810km.

Dans la chambrée, les coréens se sont levés hyper tôt, comme d’hab, et sans trop de discrétion. J’ai quitté StJeanP2P à 7h30. Malgré les indications et le plan reçus à la Maison du Pèlerin, j’ai bredouillé le départ et me suis retrouvé sur le GR10 (traversée des Pyrénées). J’étais un peu contrarié par ce faux départ quand mon ange gardien du jour est arrivé, surgi de la toute première partie de ce Camino. J’avais rencontré Thomas dès le 2e jour et nous avions partagé quelques belles conversations pendant deux étapes avant qu’il bifurque vers une autre Voie, fasse pause, reparte je ne sais où et… vienne ce matin me rassurer et me conforter. Encore une réapparition synchrone sur mon chemin ! Joyeuses retrouvailles. Ensemble, en croisant nos infos (applications diverses) nous avons bien entamé cette voie « basque » vers Irun (en 4 étapes pour moi). Thomas a 39 ans. Il est très engagé dans un mode de vie le plus indépendant possible. Avec le moins d’argent possible. Rien n’est facile, mais il a une énergie captivante. Il parle beaucoup, avec entrain et enthousiasme. Il dit qu’il y a toujours une solution. Surtout sur le Camino.

Plus loin nous trouvons par terre un dossier papier avec toutes les indications sur cette Voie. Quelques minutes plus tard une petite pèlerine encapée (il pleut) arrive en sens inverse toute essoufflée. C’est elle qui a perdu ce précieux document. Elle est sauvée ! On repart tous les 3. Je sors Félix. Je sens que Jojo et Jaja commencent à être jaloux.

C’est donc comme ça qu’aujourdhui j’ai rencontré Michelle, 75 ans, qui va aussi à Irun pour démarrer le « Camino del Norte », un Chemin difficile, 42 étapes normalement, sûrement plus pour elle. Michelle est veuve et elle est partie la première fois vers Compostelle l’année où sa filleule s’est suicidée. Dans sa première vie elle a été éducatrice puis libraire. Elle ne mâche pas ses mots sur le système économique : »Les actionnaires sont des proxénètes ».

Sous sa cape de pluie, comme la carapace d’une tortue, on la voit à peine. Elle redoute un peu les montées mais elle arrive toujours en haut.

Au gîte ce soir je vois qu’elle a froid. Elle mange très peu. Elle refuse les pâtes que nous venons de préparer avec Thomas.

Je l’imagine, si fragile, si frêle, pendant tous ces jours de marche, avec ce sac à dos…

Cela paraît un peu fou, encore une fois. Et pourtant quelque chose me dit qu’elle est capable de le faire. Il ne pleuvra pas tous les jours. Les montées ne seront pas toujours aussi raides. Elle m’a dit : »Je suis vieille, c’est comme ça ».

Suis-je vieux moi aussi ? Ce Camino marque-t-il le passage vers l’acceptation de mon âge ?

Oui, je veux bien être vieux puisqu’il le faut et puisque la vie m’a mené jusqu’ici. C’est dur ? Sacha Guitry répondait : » Tu crois que c’est facile de mourir jeune ? ».

Michelle ne s’impose pas ce défi par masochisme. Elle ne le fait pas non plus « pour rester jeune ». En fait, c’est juste sa façon d’être vieille.
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La vieille pèlerine

N’aime pas les montées

Dit-elle en montant

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