Ventosa-Negreira 12 km. Cumul : 1187km.
Comme l’an dernier j’avais d’abord fait de Saint-Jacques le but naturel de mon Camino. Je l’ai déjà dit : j’ai un peu de mal à considérer l’intérêt du « prolongement » qui serait presque devenu « obligatoire « jusqu’à Fisterra au nom d’une tradition supposée de pèlerins allant vénérer une sorte de divinité païenne panthéiste, un bout du monde, une fin de terre et un océan infini, après avoir marché chrétiennement vers le tombeau de St Jacques. L’histoire est belle mais contestée par certains historiens qui ramènent ce « supplément « de chemin à des considérations plus pragmatiques : que ce bout de terre bénéficie aussi des retombées économiques du pèlerinage.
Mais qu il soit considéré ou non comme une partie du pèlerinage, ce prolongement vaut dans tous les cas le détour, au moins touristique.
Je mélangerai donc un peu les genres aujourd’hui et demain en marchant une partie et roulant une autre. Je vais parcourir quelques uns des kilomètres à pied qui me mèneront à Fisterra comme but ultime de ce second Camino, tout en adaptant cette fin de parcours à la volonté touristique de mes trois familiers venus me rejoindre en Galice.
Ce matin j’ai marché avec Claude, le beau-frère, de Ventosa (où nous avons logé) jusqu à Negreira où Ni et Hélène nous ont rejoints en voiture. Un joli petit parcours de 12 km poursuivi par une virée de « cabo » en « cabo », d’un phare à un autre le long de la « costa della muerte » où tant de navires firent naufrage, malgré les lumières de ces « faros » postés sur ce bord d’Atlantique.
Imaginer les Pèlerins se rendre sur ces rivages parce qu’ils y cherchaient le «point le plus à l’ouest », c’est leur attribuer une étonnante qualité de géographes. Contrairement à ce que l’on pense ce n’est pas Fisterra qui détient ce titre en Galice mais la petite pointe du phare de Tourinan. Quant au point le plus occidental de l’Europe continentale il se trouve au Portugal (Cabo de Roca, près de Lisbonne).
C’etait donc probablement l’un ou l’autre de ces points extrêmes qui devait attirer les pèlerins s’ils prolongeaient effectivement leur pèlerinage au-delà de Santiago.
Depuis les rochers de Muxia ou les promontoires de Cabo Vilan ou Cabo Tourinan, après tant de jours passés à fouler la terre des chemins, on peut imaginer la forte impression que pouvait faire l’Ocean sur le pèlerin.
Dans une célèbre lettre à Sigmund Freud, Romain Rolland utilisait l’expression « sentiment océanique » pour désigner notre rapport à quelque chose de beaucoup plus grand que nous, un grand « Tout » dont nous faisons partie, avec lequel nous ne pouvons peut-être pas entrer en relation mais dont nous ressentons la présence. Ce « sentiment océanique » ouvre la possibilité à une dimension d’éternité qui nous serait inaccessible rationnellement et que nous percevrions notamment face à certains paysages naturels.
J’ai souvent utilisé cette formule pour expliquer ma propre expérience spirituelle.
Expérience de l'unité : s'éprouver un avec tout.
Ce « sentiment océanique » n'a rien, en lui-même, de proprement religieux. J'ai même, pour ce que j'en ai vécu, l'impression inverse. Le philosophe André Comte-Sponville écrit que celui qui se sent « un avec le Tout » n'a pas besoin d'autre chose. « Un Dieu ? Pour quoi faire ? L'univers suffit. Une Église ? Inutile. Le monde suffit. Une foi ? À quoi bon ? L'expérience suffit. ».
On peut supposer que c’est ce genre d’expérience que les pèlerins faisaient s’ils venaient finir leur long chemin devant cette représentation de l’infini que peut nous offrir l’Océan plutôt que devant les reliques supposées d’un apôtre martyre.
Santiago est un but, l’Océan un horizon. Demain je marcherai vers cette fin de terre.
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Je suis la goutte d’eau
Je suis la vague
Je suis l’Océan
Commentaires
Le terrien sait , quand il l’a regarde regarde la mer !
« Qui regarde la mer tourne le dos aux infortunes du monde . Quelque part il sait qu’il a raison. »
Coucou Yves ! Nous avons été très heureux de te lire chaque jour. Bravo pour ce 2ème camino ! peut-être aurons nous le plaisir de te voir avec "ta bien-aimée" chez nous à Tende. Un petit coupe de fil avant !! bises à vous 2 !