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S2. Jour 19. Enzo.

Cahors-Lascabanes 24,5 km. Cumul  : 387,5 km.

Pas facile de s’arracher aux attentions de l’amitié, aux bras de l’amour. Pas facile de tourner le dos au confort et de reprendre la route.

N’exagérons pas non plus. Tout cela est choisi, volontaire, programmé. Nul exil, nul exode, nul départ contraint, nulle marche forcée. Alors pas de plainte mais plutôt la joie de ce nouveau départ. Je traverse le pont médiéval, je retrouve les balises rouge et blanche, je reprends le fil de ce Camino, j’attaque la première montée. C’est reparti !

Sur le plateau, à la Croix Magne, après 1km seulement, je retrouve Pierre, l’éducateur rennais, et Enzo, l’ado délinquant qu’il accompagne pour un « séjour de rupture », une « marche éducative » de trois mois.  Je les avais rencontrés à l’étape 3 (voir Jour 3) et voilà que leur rythme volontairement lent , leurs jours de pause et les miens, nous remettent dans le même tempo.

Je fais toute l’étape avec eux. Enzo est un gamin de 15 ans qui ne les fait pas. Il a un petit visage très fin, anguleux, et des yeux bleus. Aux pauses il fume une clope systématiquement. Il parle cru et grossièrement mais accepte très volontiers  de raconter posément sa vie et d’expliquer comment il en est arrivé à faire des « conneries » comme il dit. Multirécidiviste, il oscille entre la vantardise de ses actes et une réelle conscience de leur gravité. Je lui parle de mes petits-fils. Son grand-père est mort récemment, lui a légué une maquette de bateau qu il conserve précieusement dans sa chambre, et lui a confié la garde de son chien.

Rencontrer Enzo est un moment important de mon Camino. Je sens qu’il n’a pas été remis sur mon chemin par hasard.

On parle foot. Lui, le petit gars du Nord (près de Cambray) veut m’obliger à dire « Aller le PSG ». Pas question évidemment. Il fait suivre un ballon dans un sac en plastique qui ballotte dans son dos. A la pause on a fait concours de jonglages. Plus tard il me demande si j’ai déjà rencontré Jul (le rappeur marseillais), si je connais La Castellane (cité des quartiers Nord).

Vers la fin de l’étape il s’énerve soudain de son sac à dos qui lui « baise l’épaule » et dit que tout ça lui « casse les couilles ». Plusieurs fois. Pas très original. Pierre lui parle, entre fermeté et encouragement. Ça va mieux à l’arrivée quand je lui paye à boire. Demain nous avons prévu de remarcher ensemble. Ça n’a pas l’air de lui déplaire.

En le regardant boire son Coca, sans sa casquette, avec son visage de Petit Prince, je ne peux m’empêcher de maudire cette société mercantile et violente qui provoque de tels gâchis. Je pense aux dernières pages de « Terre des hommes » de Saint-Exupery. Oui, Enzo c’est encore une fois « Mozart qu’on assassine ».

…………………

Jojo et Jaja

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Commentaires

  • C’est vrai Yves que cela a du sens : l’énergie positive que t’ont donnés l’amour et l’amitié ces qq jours te permettent encore mieux d’accompagner cet ado perdu en souffrance… belle transmission!Bises Catherine

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