Lugo-Ponte de Ferreira 27,5 km. Cumul : 1098km.
Les bornes galiciennes balisent donc maintenant le chemin et marquent le compte à rebours jusqu’à Santiago. Avec trois décimales, au mètre près, ce qui est bien sûr un peu ridicule. Ce soir il me reste à parcourir 72,137 km. Bien sûr je ne réalise pas bien que cette routine quotidienne, et tous les événements du cheminement, que tout cela va cesser dans quelques jours seulement. Trois étapes avant de retrouver l’aimée…
Mais pour l’instant la vie du Camino continue, avec ses habitudes, ses surprises, ses désagréments, ses moments magiques.
Aujourd’hui par exemple j’ai dansé avec Jojo et Jaja en écoutant « Jamming « de Bob Marley, ce qui m’a fait penser à mes chers mousquetaires de la Voie du Puy. J’étais seul. Je me suis offert l’album « Exodus » en entier. Le pied.
La pluie a semblé se fatiguer un peu à nous suivre et le soleil a osé une apparition en fin d’étape, puis sur la terrasse du gîte pour boire la bière rituelle après l’arrivée. Ce bref retour de la lumière a suffi pour que Vanessa sorte ses lunettes aux verres bleus.
Je ne sais pas grand chose de Vanessa. Elle est là depuis Oviedo, depuis le début du Primitivo. On la voit sur le chemin, aux pauses café, dans les gîtes. Elle est espagnole, habite Barcelone. Elle parle catalan. Son anglais est très limité alors avec notre petit groupe, quand elle vient à notre table, elle parle beaucoup avec Emmanuel le Beatles mexicain. Ce qu’on sait d’elle c’est lui qui nous le dit. Avec parcimonie. Ce qu’on sait sans parler espagnol en revanche, c’est son sourire et sa voix qui nous le disent. Elle irradie une sympathie à effet immédiat. Son « que tal ? » ( ça va ?) n’attend pas forcément de réponse par des français si mauvais en « langues étrangères » mais crée tout de même une complicité qui n’a pas besoin de mots. Hier à Lugo elle est rentrée dans un magasin de souvenirs et a offert à tous ceux qui étaient avec elle un petit fer à cheval porte-bonheur. On s’est fait un hug. Elle dégage une énergie qui fait vraiment du bien. Elle fait partie de ces « personnages » du Camino que l’on rencontre, que l’on ne reverra jamais, et que l’on n’oublie pas.
Ils et elles nous incitent à diffuser des vibrations positives. Je sais que j’ai bien des progrès à faire en la matière. Je m’efforce. Je reviens de loin. J’essaie au moins d’être « inspirant «, suivant en cela le précepte de Paul Eluard : »Le poète est bien plus celui qui inspire que celui qui est inspiré ». On fait ce que l’on peut.
J’ai toujours du mal cependant à garder ma positive attitude et ma mansuétude quand je vois par exemple ici en Espagne dans chaque café, comme à peu près partout dans le monde, un grand écran constamment allumé et des chaînes « d’information continue » débiter leurs images comme un robinet toujours ouvert, avec les mêmes présentatrices clonées. Cette pseudo fenêtre sur le monde, colorisée, bourrée de publicités, ces personnages récurrents qui se gargarisent de leurs commentaires, cette manière de mener les peuples par écrans interposés, tout cela est d’une obscénité qui rend moins souple mon jugement. L’effet de contraste avec la vie sur le Camino est brutal. Pas sûr que je revienne plus tolérant. Alors si ma voie à venir, celle que le Chemin m’aura indiquée, me pousse vers trop de radicalité, j’essaierai de penser au sourire de Vanessa… ou je réécouterai Bob : « One love one heart/Let’s get together/And feel all right ».
(1) Un amour un coeur/ Réunissons nous/ et soyons bien.
……………
Sur les bords du chemin
La mousse me distrait
De la boue
Commentaires
Pour sûr, Yves, le 'camino ' te porte et t'élève et est aux antipodes de la réalité commentée, disséquée, pervertie par ces chaînes d'info en continu.
Tu es là où il faut, quand il faut. Wouah ! Le bon choix !
Et puis, Y'a Vanessa et Bob!
Éphémère est le contraire de durable et pourtant il y a des rencontres comme pour toi Vanessa aujourd’hui dont on se souvient longtemps !