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S2. Jour 31.Alternatif.

Uzan-Argagnon 22,5. Cumul : 691,5 km.

Et dire que j’ai hésité à reprendre mon petit parapluie, pourtant validé après le premier Camino ! J’ai marché toute la journée sous une pluie disons force 6 (sur une échelle qui irait de 1 à 10, de bruine-crachin à trombes-déluge). Et sous l’abri de ce petit parapluie (en plus de la veste Goretex et du protège-sac bien sûr) j’ai pu passer une journée plutôt sereine, sans avoir l’impression de « subir » la pluie.

Ce matin à 8h30 Ben m’a déposé là où il m’avait retrouvé hier. Le fil du chemin n’est pas cassé. Il a fallu se faire un peu violence pour s’arracher au confort. Ben est reparti retrouver sa petite famille dans sa belle maison écologique en bois. Moi j’ai repris ma longue marche.

La journée a encore été marquée par une rencontre intéressante. Dans le petit bourg d’Arthez-de-Béarn, Mathieu, un enfant du pays, a repris l’ancien « Bar des sports ». Il en a fait un lieu de concerts, de rencontres, de conférences, d’échanges. Au-dessus du comptoir il y a des citations d’Edgar Morin et Victor Hugo. Aux murs des affiches de concerts et festivals. Une ambiance pop et libertaire. Un bel espace, très clean, en plein centre du bourg. Ça s’appelle désormais « Le pingouin alternatif ». Les pèlerins peuvent y manger leur casse-croûte tout en buvant une bière ou un café. J’y ai vu deux vieilles anglaises en grande discussion. Le Maire y a, paraît-il , ses habitudes. On se dit que c’est vraiment une belle idée et une belle réussite. Mais quand je l’interroge, Mathieu se plaint des gens du coin, de leurs œillères, de leur manque total de curiosité et d’ouverture d’esprit. Pourtant il n’est pas un « néo », il n’est pas un bobo débarqué dans le Béarn ou un Parisien qui fantasme la ruralité. Il est d’ici, un « cul-terreux » (dit-il) comme les autres. Mais il ne se fait plus d’illusions. La population locale , notamment retraitée, est relativement aisée, en partie grâce à des carrières dans le gisement de Lacq (gaz naturel exploité jusqu’en 2013). Ils restent cloîtrés dans leurs belles maisons, lavent leurs voitures, tondent leur gazon. Les jeunes se foutent pas mal des problématiques climatiques. Bières, rugby, nanas. Mathieu ne croit pas en demain. Il est collapsologue. Il a invité plein de « pointures », écrivains, journalistes, dans ce petit café de campagne. Il anime l’aujourd’hui en attendant la fin du monde. Ce qu’il aimerait c’est tout de même que, faute de pouvoir s’extraire de leur confort matériel, ses congénères sachent au moins s’échapper parfois de leur confort… intellectuel. Pour cela, inutile de marcher pendant des jours, y compris sous la pluie. Il suffit de passer parfois du canapé de son salon-télé à la chaise d’un café sans avoir peur du mot « alternatif » (car je ne crois pas qu’ils s’inquiètent du « pingouin «, quoique la présence de cet animal étranger en Béarn puisse inquiéter). Penser autrement, accepter d’être bousculé par des idées originales, c’est peut-être comme ça qu’on permettra  au monde de se refonder.

Francis Picabia, peintre surréaliste, disait : «  Notre tête est ronde pour permettre à la pensée de changer de direction ». Elle irait bien au dessus du comptoir, cette citation.Il faudra que je le suggère à Mathieu…

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Chanter sous la pluie

C’est du cinéma

Dit le pèlerin mouillé

 

Commentaires

  • Des endroits comme le pingouin alternatif c’est précieux !que Mathieu ne cède pas à la mélancolie comme le pingouin d’Andrei Kourkov !

  • Je viens de voir votre portrait, je croyais que vous étiez plus vieux, vous êtes un jeune homme, d avoir fait cette marche vous a rajeunit. Je suppose que vous jeunes le vendredi, fait vous le parcours comme un chrétien assidue..Bravo, j adore, pourrait on avoir une photo de vous sur le chemin avec sac à dos ,c est pour une peinture merci amitié Henri

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