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Jour 75. Vixi !

Lavacolla - Santiago 11 km. Cumul : 1629 km. Reste : 0 km.

Je suis parti à 5h15, encore plus tôt que prévu. Je savais qu’il allait pleuvoir. J’avais rendez-vous avec l’aimée à 8h au « Bar du Camino » (évidemment) non loin de la Cathédrale. Il me restait 11km à faire.

J’ai marché tranquillement sous une pluie gentille à la lumière de ma frontale et de quelques réverbères, seul dans la nuit galicienne. L’obscurité n’avait rien d’inquiétant. Je n’ai pas rêvé quand j’ai vu furtivement un papillon blanc dans le faisceau de ma frontale. Il a eu juste le temps de me dire : « Tu vois je suis là mais tu n’as plus besoin de moi. Je peux m’en aller».

Je m’approchais de la ville et au passage j’ai encore ajouté quelques petites pierres sur les bornes du Chemin ou au pied d’un simple bout de bois décoré de dévotions diverses sur un mur devant La Chapelle San Marcos.

J’avais toujours du mal à croire que ces kilomètres étaient les derniers. Ils étaient particuliers pour cela mais tous les autres avaient autant de valeur depuis mon premier pas devant la porte de ma maison.

J’ai donc retrouvé l’aimante au bout d’une rue du quartier historique. Ce moment là valait bien les efforts consentis. Elle m’a guidé vers la Cathédrale. L’instant était léger car sans fatigue excessive mon émotion se diluait doucement dans la magie des retrouvailles.  Surprise, un compagnon de chemin, Chris des Flandres, arrivé la veille, était là aussi. Il m’attendait. Je lui avais dit mon heure d’arrivée. Chaleureuses embrassades, et bien sûr les premières photos devant ce magnifique décor de pierre taillée. Il pleut doucement et ce vaste parvis où le monde entier se donne rendez-vous à la fin du Chemin est presque désert. Je goûte le moment avec sérénité.

Vixi ! Ce n’est pas un cri de victoire romain. Ce n’est pas « j’ai vaincu » (vinci) mais « j’ai vécu ». Car à la fin le pèlerin n’a rien gagné. Il n’est pas venu pour ça. Il n’a pas marché pour une victoire. Il a marché pour marcher, pour essayer d’être pleinement dans la conscience pas après pas, instant après instant. Juste cela. Se confronter aussi bien sûr à quelques unes de ses limites. Et sentir ce que produisait cette expérience décapante sur le corps et l’esprit.

Hier spontanément j’avais simplement écrit le résultat de cette expérience en deux mots : « Je suis. ». Daniel, l’ami vieux frère, a ajouté dans un message : « Ce sont les deux mots les plus puissants de l’univers. »

Il y a probablement des leçons à tirer d’un Camino de grande amplitude comme celui-là.

Ce Chemin a-t-il vraiment comme on le dit si souvent quelque chose de « spécial »? Ai-je vu des signes où il n’y avait que coïncidences ? Ai-je surinterprété des situations banales ? Ai-je voulu faire de ce Chemin un livre écrit dans une langue mystérieuse ? Me suis-je senti guidé ? Qu’ai-je appris que je ne connaissais pas ? Quelle fut la nature de mon pèlerinage spirituel et aura-t-il changé quelque chose en moi ?

Seules les questions sont certaines. Les réponses ont le temps pour se révéler, un temps dont la mesure nous échappe.

Après avoir bêtement rempli les cases sur un écran  pour obtenir  une « Compostella », attestation du pèlerin, à un guichet informatisé, je suis revenu naturellement sur le parvis de la cathédrale. La pluie avait cessé. Il s’y trouvaient maintenant quelques pèlerins toujours aimantés par ce centre névralgique, irrésolus à quitter cet ombilic vers lequel ils ont cheminé sans relâche. J’aurais pu m’attarder un peu plus dans les boutiques où se déclinent coquilles en tous genres et flèches amarilla sur tout support. Mais j’étais là, juste au bon moment pour apercevoir dans la petite foule qui se formait… Raphaël !

Oui, mon premier pèlerin (voir Jour 5 ). Il me voit. N’en revient pas. « Incredible ! « Nous n’avons pas d’autres mots qui nous vient. Il a tricoté plusieurs parcours depuis son « Buen Camino » après St Guillhem du désert (Jour 10). Oui, incroyable…

Nous allons dans un café. Notre conversation, haut perchée mais concrète, reprend son cours tout naturellement. Raphaël est un utopiste navré par la réalité. Let it be, Raph !

Je le sens touché par mon ressenti du Camino. Non, pas de leçons. Plus de professeur. Juste quelques hypothèses partagées, entre idéalisme et pragmatisme.

Mais évidemment il doit déjà repartir. Il prend un bus. Je n’ai pas bien compris pour où ni pourquoi. Raphaël, mon dernier pèlerin… Et si ce Chemin avait vraiment quelque chose de spécial ?

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El Camino

Te enseña

Tu Camino

(un graffiti)

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Ici s’arrête donc la parution quotidienne de ce Journalet.

Je parlerai des « jours d’après » à un autre rythme, peut-être hebdomadaire ( le samedi). Surveillez Mon Camino !

A la fin de cette longue marche qui fut aussi un parcours en écriture, j’aimerais que ceux-celles qui ont lu plus ou moins régulièrement ce blog laissent un commentaire ci-dessous ou sur mon mur FB.

Ça m’aidera beaucoup si j’essaie d’éditer « Mon Camino » comme certains me le suggèrent. Mais c’est une autre aventure !

Merci de vos soutiens réguliers qui m’ont réellement permis d’aller au bout. C’était vraiment fort, et vous y avez contribué très concrètement.

A bientôt.

Yves

Commentaires

  • Écouter le bruit de ses pas. Combien en as tu écoutés? Toujours autant de plaisir, sans doute parfois jouissance. Qu’il te porte calme et sérénité dans ce monde de fou dans lequel nous vivons.

  • Te voilà arrivé au bout de ce défi : un immense bravo ! Voici venu le temps des retrouvailles et de l'apaisement. Tu auras tout le temps de répondre à tes questions dans les mois à venir. D'ici là, profite de ton exploit ! Merci de nous avoir fait rêver, rire, frémir à travers tes écritures. Un recueil est une excellente idée !
    A bientôt

  • Bravo!
    Félicitations!
    Bien sûr un livre!

  • Good job !

  • Un énorme bravo encore Yves ! Des moments magiques vécus sur ce Camino, comme les retrouvailles avec Raphaël. Étonnant
    Les mots 'je suis' sont forts en effet, simplement.
    Bon retour chez toi

  • Bravo Yves pour cet exploit,ce dépassement de toi-même et cette expérience unique qur tu nous a fait partager. Merci pour tes beaux textes qui nous ont tenus en haleine !Bonne continuation a toi!

  • Vos écrits quotidiens de votre camino vont nous manquer.
    Vous n’attendez certainement pas de compliments mais je ne peux m’empêcher de vous féliciter d’être allé jusqu’au bout du chemin.
    Je vous souhaite une belle et longue poursuite dans votre vie.
    Amicales pensées

  • C’était super de te suivre et de te lire. Ton dernier texte est magnifique, je trouve que t’es textes ont gagné en intensité au fur et à mesure de ton parcours. Publie bien sûr !!!! C’est une évidence, et les photos aussi sont magnifiques.

    A vite bon retour ! Bises amicales

  • Bonjour Yves ! Je suis très touchée par tes récits quotidiens, par ta persévérance, par tes rencontres.....En te lisant ce matin, j'ai quelques larmes aux yeux, mais je suis heureuse pour toi, pour tous ceux qui étaient dans tes pensées chaque jour, chaque moment. Tu vas pouvoir profiter de ta famille, retrouver avec grand bonheur tout ce que tu as mis de côté afin d'arriver au but que tu t'étais fixé. Profites de ces moments de repos mérités dans notre Provence. Encore bravo Yves et 1000 mercis pour tes pensées, tes images, tes lignes partagés avec tous ceux qui t'ont lu. Gros bisous à toi et à la famille. Bon retour.

  • Nous voilà orphelins Yves!
    Durant ces 75 jours de cheminement et au travers de 'ton parcours en écriture', tu as su , merveilleusement nous emporter et transporter avec toi, même si ton sac s'allégeait au fur et à mesure que tu progressais ...

    Alors merci encore et oui! Publie-toi!
    Et partage encore et toujours au plus grand nombre.

  • Mille Bravos à l'homme sensible, à l'écrivain et à Mister P. Une Trinité !

  • Bellissimo !!!
    Jusqu'au bout tu as trouvé et t'es donné le moyen pour une si belle retrouvaille devant cette belle cathédrale pour vous tout seuls !! Moment émouvant et magique.

    Bien entendu le jornalet va nous manquer et bien sûr que nous lirons avec autant de plaisir " lo setmanièr".

    Nous sommes aussi admiratifs du schtroumpf marcheur qui a été lui aussi courageux de te suivre dans ce long périple.
    Potons

  • Impressionnant ! enrichissant ! chapeau bas ! Merci pour cette magnifique lecture , une belle leçon de vie .

  • Bravo pour cet exploit et quel bonheur d'être arrivé au bout de ce voyage si enrichissant.
    Avec toute notre amitié.
    Josette et J.Marie Durand

  • Bravo Yves!
    Merci pour ce Camino qui, sous ses airs solitaires, cachait d'émouvants moments de partage !

  • la générosité de ce partage nous a permis de faire marcher nos pensées à défaut de nos jambes .....merci merci merci
    Alors on attend bien évidemment le livre qui viendra comme des points de suspension enrichir tous les mots que tu nous as déjà fait partager☺️

  • J’ai vu ce matin
    Un papillon blanc
    Sous un olivier à Mazargues

    Suivre tes pas
    Au fil de tes mots
    Me manque déjà

    Reste l’attente
    Impatiente
    De l’histoire des jours d’après

    Un grand bravo, Yves, pour cette marche immense, aussi pleinement vécue. À très bientôt, hâte de te revoir à l’UTL.

  • Merci de nous avoir fait partager ce cheminement avec les moments de bonheur, de spiritualité, de poésie...Un grand bravo pour cette belle aventure. Encara mercé plan.
    Sabine

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