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Jour 72. Les mondes.

Airexe - Melide 23 km. Cumul : 1573 km. Reste : 53 km.

Je n’aurais vraiment pas cru, il y a à peine quelques jours, pouvoir refaire une étape de plus de 20km.

Mais j’avance et mon corps semble décidé à terminer le Camino sans bobo, en toute sérénité. C’est un peu dingue, ça encore. La conséquence c’est que je dois me méfier de l’euphorie qui me gagne et continuer ma marche lente et souple. Pas de précipitation ! Mon premier café ce matin je l’ai bu « A paso de formiga », comme une invitation à prendre comme modèle aussi… la fourmi. Décidément mon bestiaire est bien fourni.

Comme mes douleurs ont disparu j’ai repris encore ma planification et j’ai beaucoup de mal à réaliser que, sauf incident ou nouveau bobo de dernière minute, je n’ai plus que trois étapes à mon programme, et environ 50 km.

Je revois très bien cette première indication longue distance sur un panneau mal foutu, après Arles, annonçant Santiago à 1463 km (voir Jour 7). Ça paraissait un peu irréel, une sorte d’humour, et maintenant j’y suis…

 

Alors vous devez vous dire que j’ai hâte de retrouver mon environnement familier, mon confort domestique. Je devrais en avoir assez de cette routine de la marche quotidienne, de ces aleas physiques, de ces dortoirs collectifs chaque soir différents où j’installe mes petites affaires sur mon  territoire exigu, affaires que je remets dans le sac chaque matin, dont je peux dresser la liste intégrale par cœur. Je devrais en avoir assez de cet inconfort, de cette promiscuité, de ces souffrances infligées au corps.

Oui, je vais retrouver volontiers mon home, sweet home, je vais ô combien apprécier ce dont j’ai été privé. Mais relativisons. Je ne suis pas un prisonnier, un otage, un naufragé, ou un exilé. 75 jours, c’est bien peu. Et je l’ai voulu, je ne l’ai pas subi.

Je vis juste depuis deux mois et demi dans une bulle, une autre planète avec ses lois, ses obligations, ses contraintes, et ses découvertes, ses surprises quotidiennes, sa formidable liberté.

Je vais devoir quitter ce rythme qui m’a porté, poussé, toujours plus loin vers l’Ouest dans une quête qui ne sauve de rien mais peut tout transformer.

Le monde tél que je l’ai entrevu sur les écrans de télévision dans les cafés ou restaurant, le monde qui fait l’info en continu dont je ne sais rien depuis des mois, je ne suis pas pressé de le retrouver.

Je préfère mon petit monde qui tient tout entier dans un sac à dos, ou sur le matelas d’un dormitorium.

Oui, je peux penser maintenant au plaisir d’un projet accompli. J’ai hâte de revoir mes familiers et de faire la fête avec les amis. J’ai hâte de laisser décanter cette somme d’expériences, d’en extraire la substance essentielle.

Mais ce monde qui inonde les écrans de son obscénité, je refuse de le retrouver.

Plus que trois jours, et j’aimerais vous dire encore tant de choses.

Le Chemin  n’est pas une fin.  Il est un moyen, il est un moment. Je suis très heureux de l’avoir partagé avec vous. Peut-être cela contribue-t-il, sans que nous comprenions comment,  à transformer ce monde, notre monde. A demain.

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Pas encore arrivé

Déjà nostalgique

Le pèlerin

Commentaires

  • Je te souhaite de savourer pleinement ces derniers kms.
    Maîtrise "fenomenal" du camino.

  • Savoure !!!!!!

  • Toujours plus loin vers l'Ouest...
    Cela me rappelle quelqu'un...Un autre marcheur, mais pas à pied !
    "Soi un paure pelegrin solitari
    e un long long camin dempuèi l'ostal."

  • Lucky !

  • Arpenter le Chemin
    Un moyen
    De Se tutoyer

  • Yves, tu as montré à tous un bel exemple, on peut arriver à ce dont on a envie, à ce dont on a rêvé, avec surtout de la volonté, et croire à ce que l'on fait. certes tu seras heureux de retrouver tes proches, je pense à 2 petits enfants qui seront fiers de leur papy, je pense au reste de ta proche famille. Bravo Yves !
    En arrivant à Compostelle, je suis sure que tu auras une énorme pensée pour tous ceux de ta famille que nous avons connus, ou que nous connaissons, pensée également pour tous ceux qui t'ont suivi depuis le 1er jour. Merci Yves ! gros bisous de nous deux.

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