Grado - Salas 23 km. Cumul : 902 km.
Et bim, encore 23 km presque d’une traite sous un ciel nuageux mais des épisodes d’une pluie très légère. Et encore un paysage tout en nuances de vert, des montées-descentes incessantes. C’est tout de même moins beau que le Pays Basque. Les villages, souvent déserts, ont moins de charme. Moins clinquants, peut-être plus « authentiques ».
Je suis peut-être incorrigible mais pour marcher ainsi sans un vrai gros arrêt pic-nic j’avais aujourd’hui plusieurs bonnes raisons.
D’abord ce temps humide qui n’incite pas à poser ses fesses au bord du chemin mais plutôt à se dépêcher pour éviter l’éventuelle grosse averse. Et puis mes nouveaux compagnons de route rencontrés hier soir au repas du soir !
Victor le jeune (27 ans) Espagnol, m’a vite rattrapé ce matin et spontanément au lieu de me dépasser il m’a accompagné (encore un ange gardien ?) pendant les 2/3 de l’étape. Avec son anglais très espagnol et mon anglais très français, on s’est très bien compris. On a rejoint Patrick et Alain, un duo français vraiment sympa (Bordeaux et Bayonne) avec lesquels hier soir le courant es tout de suite passé. Alain m’a même dit à la fin du repas « À demain », exprimant clairement son désir de me retrouver. Ce n’est pas si courant de le dire si directement sur le Chemin. Chose faite donc aujourd’hui pendant de longs kilomètres sur ce Camino Primitivo.
Puis je les ai abandonnés pour suivre le bel Emmanuel aux grandes enjambées. C’est son 11eme Camino… Il vient du Mexique chaque année. Il a beaucoup de prestance. Il porte chemise blanche à la Sylvain Tesson. Il parle un français impeccable qu’il a appris à l’école. Sans accent. C’est ahurissant. Il a un vocabulaire extraordinaire. J’ai donc pu avoir avec lui une conversation en haute altitude. Il parle de Rousseau et ses « Rêveries du promeneur solitaire ». J’évoque l’américain Thoreau et autres philosophes marcheurs. On se demande si Socrate le péripatéticien et Kant le baladeur quotidien étaient des randonneurs ! Quand vers la fin de l’étape je m’exclame : » A beer, a beer, my kingdom for a beer » il sourit de la référence à Shakespeare.
Arrivés à Salas et buvant enfin cette fameuse bière il me demande mon numéro pour Whatsap. J’ai presque l’impression d’un jeu (mutuel) de séduction (amicale bien sûr). Il est très grand, a de beaux yeux bleus. Très loin du stéréotype mexicain. Il m’a évidemment posé la question rituelle : donne-moi une raison pour expliquer pourquoi tu es sur le Chemin ? ». J’ai un peu attendu pour répondre finalement : « Pour te permettre de me poser la question « . Une vraie réponse de moine zen a-t-il dit ! Il m’a aussi rappelé la réponse de Sir Hillary à qui l’on demandait pourquoi il tenait à grimper au sommet de l’Everest :
« Parce qu’il est là (Because it’s here) » avait-il dit.
Quand j’avais 20 ans, déjà marcheur et alpiniste débutant, je lisais les récits de Reinhold Messner et je m’imaginais, pourquoi pas, être un jour moi aussi sur le toit du monde. La vie en a décidé autrement. J’ai grimpé sur des sommets mais pas celui-là. Ce n’est pas grave. Ce Camino, même s’il ne mène pas très haut, c’est mon Everest …
………………
Combien de temps encore
Pourrons-nous boire
Cette eau à la fontaine ?
Commentaires
Bon Everest !!! Ça approche pas après pas !
coucou Yves !tu fais un parcours formidable . Bravo. après être retournés quelques jours dans notre résidence principale, nous voici à nouveau dans nos montagnes ! Et nous te suivons toujours. Bonne continuation Yves ! Bises de nous deux.
C’est quand même fascinant tous ces gens tellement différents qui convergent vers un même but !
Rencontré parfaite pour partager vos connaissances littéraires ! Encore un miracle du chemin