S2. Jour 6. Yvresse.

Nasbinals-St Chély d’Aubrac 17,5 km. Cumul : 137,5 km. 

C’est comme ça que je voulais ce second Camino. Sur les vastes pâtures d’Aubrac ce matin j’ai littéralement voltigé, ivre d’espace, ivre de vent, ivre de ces drailles et de ces chemins déjà foulés en randonneur et que je retrouve en pèlerin. J’ai bondi d’ornière en ornière, de pierre en pierre, j’ai traversé sans une hésitation les sentes boueuses et la tourbe gorgée d’eau. Jojo et Jaja (1) dans une seule main, comme un pèlerin d’antan ou comme un berger. J’étais tellement bien que j’ai dit des prières.

C’est « l’effet Compostelle ». On a tendance à attribuer à une puissance supérieure ce qui n’appartient qu’aux hasards de l’existence, de la naissance. Car combien sommes-nous à pouvoir connaître cette ivresse ? Faute de savoir pourquoi nous sommes à ce point privilégiés, membres d’une si petite partie de l’humanité qui peut goûter de telles joies, on cherche une cause, on cherche ce qui aurait décidé de nous attribuer une telle chance, une telle « bonne fortune ». On a besoin de dire notre gratitude. Mais à qui, à quoi ?

Oui, c’est exactement comme ça que je l’avais imaginé. Plus serein, plus tranquille, plus apaisé. Et en pleine forme. Mes compagnons de chemin du moment sont à l’unisson. Mon corps répond sans douleur à mes sollicitations de marcheur, même en mode lièvre. Le temps est doux. Les gîtes étapes sont très agréables.

En plus mes supportrices les vaches étaient bien là comme prévu, à guetter mon arrivée au bord du chemin.

Et complètement par hasard j’ai même eu droit à une bribe l’interview par FR 3 Occitanie diffusée ce soir !

Et puis vous savez quoi encore ? J’ai entrevu un papillon blanc (1)juste avant d’arriver à St Chély !

C’est bien un seul Camino que tous ces chemins. Une seule et même  vie.

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Buveur d’air

Ivre de marche

Gratitude infinie

 

(1) voir Camino 1ere saison.