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Jour 56. La mesure de toute chose.

Castrojeriz - Fromista 27 km. Cumul 1237 km.

Les Grecs anciens avaient pour philosophie : de la mesure en toute chose (« pan metron « ). Le pèlerin de Compostelle a une mesure qui s’impose sur toutes les autres : le kilomètre. A l’étape on ne reste jamais très longtemps sans parler de ces fameux « kilomètres » qui définissent et différencient une journée d’une autre. Pendant la marche on ne cesse de s’interroger sur les kilomètres parcourus et les kilomètres restants. On regarde nos montres, nos téléphones, les panneaux. Ces distances ont parfois des marges d’erreur qui imposent des kilomètres en plus (rarement en moins). Bref, le pèlerin est obsédé par le kilomètre et il le vit tellement intensément dans son corps, jour après jour, que cette mesure devient la mesure de son monde : pan kilometron.

S’il y a bien quelque chose que cette marche au long cours a inscrit dans ma boîte à outils c’est la perception du ces 1000 mètres. Je ne regarderai plus jamais le « kilomètre » comme avant. Les trajets en voiture ( et ne parlons ni du train ni de l’avion) avalent les kilomètres avec la voracité des engins mécaniques. Les kilomètres défilent dans une équivalence indifférente. A pied, chaque kilomètre a son poids, sa texture, sa nature, sa qualité. Parce que ce qui est étrange c’est que un  kilomètre ne vaut pas toujours un autre kilomètre. Cette mesure, pourtant essentielle, semble parfois peu fiable. Il y a les premiers kilomètres, souvent allègres. Les kilomètres sous la pluie ou dans le vent, plus longs. Les kilomètres sur le bitume. Il y a surtout les « derniers kilomètres », qui s’allongent perfidement, parfois « interminables «, qui semblent défier les lois de la physique par leur relativité.

Comme le temps (objectif) se distingue de la durée (subjective), la distance (chiffrée) se distingue de sa perception (qui dépend de nombreux critères). Ainsi aujourd’hui mes talons qui m’ont beaucoup fait souffrir à nouveau et le vent qui soufflait fort le long du canal Castilla ont fait des kilomètres du jour une mesure de ma capacité à supporter la douleur autant qu’un « étalonnage » du territoire traversé.

En montagne on utilise rarement cette mesure. On parle en heures, on s’inquiète du dénivelé, de la nature du terrain. C’est un autre monde, qui m’est beaucoup plus familier. Mais désormais après ce si long cheminement le kilomètre du marcheur est gravé en moi comme une mesure « étalon ».

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Un jour de souffrance

Après un jour d’extase

Ainsi va le Chemin

Commentaires

  • Ah, là on dirait Italo Calvino qui fait parler Monsieur Palomar. Un autre Mr P.

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