La vertu des chemins

C'était couru (ou plutôt "marché") d'avance ! Le film Les chemins noirs adaptation du livre éponyme de Sylvain Tesson par Denis Imbert... m'a beaucoup plu. Film lent (du genre 4km/heure), film d'état plus que film d'action, cet hymne à la marche (et ici à ses vertus rédemptrices) est aussi un hymne à une France d'autant plus belle qu'elle est "profonde", à la diversité de ses paysages et de ses paysans (quand il en reste).

 

Jean Dujardin alias Sylvain Tesson parcourt cette France en diagonale et redécouvre les chemins de traverse (en noir sur les cartes IGN) qui permettent à l'homme qui fuit les folies du progrès de trouver des haltes méditatives, des sources pour se regènerer. De constater aussi les ravages d'une "massification" sur la ruralité. Le chemin, pour le marcheur et pour l'écrivain, a des ressources inépuisables. Cet "into the wild" made in France touche sa cible par la modestie de son propos, par la simplicité de ses images, et par la grâce d'un comédien au sommet de son art, qui ne joue pas mais qui est.

Les extraits du récit de Tesson, en voix off, comme à chaque adaptation de ses livres, accompagnent les images et délivrent quelques maximes qui ne sont pas de la morale : juste un regard sur le monde vu au ras du sentier ou du haut  des massifs de la France Centrale, une pensée en marche qui peut éclairer notre chemin de vie.

Bien sûr je peux comprendre que beaucoup de spectateurs moins "initiés" soient moins enthousiastes. De ce point de vue là le film n'est peut-être pas "tout public". Pour moi, qui doit partir dans deux jours pour Compostelle, la sortie de ce film juste cette semaine est un signe supplémentaire, une "synchronicité", une incitation-confirmation que je prends comme un cadeau  en attendant ma propre aventure sur le Camino.

En revanche, je ne vous conseille pas de randonner en chemise blanche et petit gilet, ni de faire du feu n'importe où pour un bivouac. Même si tout cela c'est la réalité de Sylvain Tesson, marcheur dandy atypique.

Autre remarque, à l'usage des spécialistes, le sac à dos, étonnamment léger pour un chemineur "autonome", est un modèle de la marque Millet.C'est le seul "placement produit" que j'ai constaté dans ce film... Normal, on est pas dans un James Bond !

Petit cours de géographie en mouvement, cette diagonale française permet de revoir quelques sites naturels qui sont bien connus des voyageurs et marcheurs. Les  amoureux de la Lozère (moun païs !) reconnaîtront par exemple à coup sûr le chemin du Mas de la Barque, non loin des sources du Tarn, où Jean Dujardin et un autre personnage font une pause au milieu des boules de granit. Somptueux, évidemment.

Enfin je ne peux que vous conseiller, avant ou après le film, de lire le livre de Tesson. Si l'expérience filmique peut laisser certains sur leur faim, l'expérience littéraire peut vous nourrir davantage.

Dans deux jours s'ouvrira devant moi un chemin bien plus long que celui de Sylvain Tesson (lol !). Quelle chance que cette liberté que la vie m'accorde !